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Lundi 14 octobre, l’espace Auguste à Colmar a accueilli la troisième édition du Forum Alsace Terre Brassicole, un événement clé pour la filière brassicole alsacienne. Après avoir fait escale à Obernai et Strasbourg, le forum revient avec une ambition renouvelée : renforcer la maturité de l’industrie brassicole régionale. Ce rendez-vous est devenu une plateforme essentielle de réflexion, rassemblant les acteurs majeurs pour débattre des enjeux et opportunités à venir.

Des partenaires engagés

Dès l’ouverture, Maxime Reinagel, modérateur, a salué les nombreux participants et remercié les partenaires qui ont permis la réalisation de cet événement. Parmi eux, des acteurs incontournables comme Brasseurs d’Alsace, Hop France, Alsace Destination Tourisme (ADT), et le Comptoir Agricole, ainsi que des institutions locales telles que l’ADIRA et l’Office de Tourisme le beau jardin. Leur présence témoigne de la synergie et de l’engagement collectif  qui animent la filière brassicole alsacienne.

La matinée a rapidement pris un rythme soutenue, avec des interventions de figures majeures du secteur, notamment Nathalie Kaltenbach, présidente d’Alsace Destination Tourisme, et Dominique Baudendistel, président des Brasseurs d’Alsace, qui ont partagé leurs expertises.

L’Alsace, une terre de traditions… et de bière

Nathalie Kaltenbach a souligné le riche patrimoine alsacien, souvent associé au vin, à la gastronomie et au cyclotourisme, mais où la bière mérite une place plus importante. « L’Alsace est la première région productrice de houblon en France », a-t-elle rappelé, avec fierté. Bien que la bière soit largement consommée dans la région, Nathalie Kaltenbach a plaisanté sur l’absence d’un classement officiel de la consommation, ce qui a provoqué des rires dans l’audience.

L’objectif de cette troisième édition du forum était de structurer davantage la filière brassicole, surtout face à la concurrence du secteur viticole. Ce rapprochement a été illustré par la présence de Céline Zeyssolff, représentante du milieu viticole, qui a montré que vin et bière pouvaient coexister et s’enrichir mutuellement dans la stratégie touristique régionale.

Faire face aux défis économiques

Dominique Baudendistel a dressé un état des lieux de la filière brassicole alsacienne, rappelant que « L’Alsace reste la première région brasseuse de France », tout en soulignant les difficultés économiques. Malgré son leadership en matière de production de bière, la région fait face à une baisse de la consommation en 2023 après plusieurs années de croissance, et l’inflation affecte le pouvoir d’achat des consommateurs.

Les tensions sur les approvisionnements en matières premières, comme l’aluminium et le verre, pèsent sur les brasseurs, qui doivent répercuter ces hausses sur les prix de vente. Un autre défi concerne les prêts garantis par l’État (PGE) accordés durant la crise sanitaire, dont les remboursements actuels fragilisent encore plus les producteurs.

Malgré ces obstacles, un certain optimisme demeure, avec la filière qui reste soudée autour de la production locale de houblon, pilier de l’identité brassicole alsacienne.

Le développement du tourisme brassicole

Marc Levy, représentant de l’ADT, a évoqué le potentiel du tourisme brassicole en Alsace. Bien que ce secteur soit encore en développement, l’ambition est de faire de l’Alsace une destination incontournable pour les amateurs de bière. Des initiatives existent, comme les sentiers oubliés ou les circuits cyclistes dédiés aux brasseries locales, mais Marc Levy a insisté sur l’importance de structurer cette offre touristique.

Le projet d’une carte touristique des brasseries alsaciennes, actuellement en test, a été présenté. Cet outil permettra aux visiteurs de découvrir les lieux emblématiques liés à la bière en Alsace, en reliant brasseries, champs de houblon et événements. Une étude de marché sera bientôt lancée pour mieux comprendre les attentes des visiteurs et définir une identité visuelle forte pour la bière alsacienne.

Célébrer la bière alsacienne à travers des événements

L’édition 2023 du Forum a aussi mis en lumière les événements phares de l’année. Le lancement de la Bière de Mars à Colmar, qui a réuni 14 variétés de bières, a été un moment fort. Cet événement permet aux brasseurs locaux de mettre en avant leur créativité et leur savoir-faire.

La Fête de la Bière de Schiltigheim, qui a célébré sa 42e édition cette année, a également été un succès. Malgré la disparition progressive des grandes brasseries historiques de la ville, cette fête continue de rassembler de nombreux visiteurs, et aspire à rivaliser avec les grands événements européens, comme l’Oktoberfest de Munich.

Le concours Au Gré des Bières, qui récompense le meilleur tireur de bière, a aussi attiré l’attention. Organisé en partenariat avec l’Union des Métiers de l’Industrie Hôtelière (UMIH), ce concours pourrait devenir un événement national, avec l’Alsace comme moteur.

Promouvoir l’image de la bière alsacienne

Le forum a aussi abordé la question de la promotion de la bière alsacienne sur la scène nationale. Bien que l’Alsace soit une terre historique de bière, d’autres régions comme le Nord de la France gagnent du terrain en termes de visibilité. Dominique Baudendistel a souligné l’importance de renforcer la présence des brasseurs alsaciens et de valoriser leur savoir-faire spécifique.

Les brasseurs alsaciens, parfois discrets, sont prêts à se mobiliser pour défendre leur identité et promouvoir la qualité de leurs produits. Ce travail s’inscrit dans une démarche globale de valorisation du patrimoine régional, en lien avec le tourisme et l’économie locale.

Structurer l’offre brassicole

Coralie Haller, enseignante-chercheuse à l’École de Management de Strasbourg, a ouvert la discussion sur les opportunités du tourisme brassicole en Alsace. Elle a noté que seulement 30 % des brasseries de la région sont ouvertes aux visiteurs, malgré la richesse de la tradition brassicole alsacienne.

Pour elle, il est essentiel de créer une véritable « expérience client », en proposant une immersion authentique dans l’univers de la bière. Cette transformation passe par une collaboration renforcée entre les brasseurs et les professionnels du tourisme, ainsi que par des projets financés à l’échelle régionale et européenne.

Le modèle économique du tourisme brassicole

Olivier Faure, cofondateur de L’Échappée Bière, a partagé l’expérience de son agence, pionnière dans le tourisme brassicole en France. L’Échappée Bière a évolué en trois pôles d’activité : l’événementiel autour de la bière, le conseil aux brasseries, et le développement du tourisme brassicole.

Il a souligné plusieurs stratégies pour rendre ce tourisme rentable, comme organiser des visites payantes sur réservation, créer des taprooms (espaces de dégustation) au sein des brasseries, et louer des espaces événementiels. Ces initiatives permettent aux brasseurs de diversifier leurs sources de revenus.

Olivier Faure a également cité l’exemple d’événements comme les « dîners houblonnais », organisés par des brasseries pour attirer une nouvelle clientèle et renforcer leur notoriété.

Le tourisme collaboratif et la valorisation du patrimoine

Marie-Hélène Mattern, directrice de l’Office de Tourisme de Beau Jardin, a présenté une approche axée sur la collaboration entre les acteurs locaux. Elle a mis en avant des initiatives comme le « sentier de découverte du houblon », un projet éducatif qui sensibilise les visiteurs à cette culture emblématique de la région.

Marie-Hélène Mattern a aussi souligné l’importance de créer des expériences immersives et authentiques, en s’inspirant de projets personnels comme ceux d’agriculteurs qui ouvrent leurs portes aux visiteurs. Ce type d’offre, centré sur l’authenticité, renforce l’attractivité de la région et l’engagement des visiteurs.

S’inspirer de l’œnotourisme

Céline Zeyssolff, viticultrice et pionnière de l’œnotourisme en Alsace, a partagé son expérience dans ce domaine. Son domaine viticole familial a misé sur l’innovation, notamment avec un espace scénographique immersif qui raconte l’histoire du vin. Cette approche, qui allie tradition et modernité, a attiré un public diversifié tout en créant des émotions fortes chez les visiteurs.

Elle a encouragé les brasseurs à suivre cette voie en proposant une expérience unique à leurs visiteurs, et en s’engageant dans des pratiques respectueuses de l’environnement, à l’image de la transition vers l’agriculture biologique dans le Domaine Zeyssolff.

Un appel à l’audace pour transformer le tourisme brassicole

La table ronde s’est achevée avec un appel à l’audace de Coralie Haller, qui a encouragé les acteurs du tourisme et de la brassiculture à transformer l’expérience client en une véritable immersion. Elle a insisté sur l’importance de la collaboration et de la formation pour améliorer l’accueil des visiteurs et créer une offre touristique solide.

Les perspectives du tourisme brassicole alsacien sont prometteuses, mais il faudra du temps et de l’investissement pour structurer cette offre et en faire un levier de développement économique durable pour la région.