Mercredi dernier, l’Assemblée Générale de l’Association des Viticulteurs d’Alsace (AVA) s’est ouverte sous les auspices du Président Gilles Ehrhart, mettant en lumière les préoccupations majeures des viticulteurs de la région. En tête des débats, la question brûlante de la taxe poids lourds a été vivement critiquée par le Président, qui la qualifie d’impôt déguisé nuisant à l’économie locale sans réduire efficacement le trafic des poids lourds. Il a mis en garde les élus contre cette mesure, promettant de rappeler leurs actions lors des prochaines élections.
« Les viticulteurs alsaciens se dressent contre les taxes injustes et appellent à une véritable reconnaissance de leur travail sur la scène européenne. »
De même, le projet d’éco-contribution de la région Grand Est sur le transport a été abordé, suscitant également l’appel à son rejet. Bien que certains élus aient montré une certaine ouverture à l’écoute, le Président souligne qu’il reste encore du chemin à parcourir pour obtenir le retrait de ces mesures.
En outre, il déplore le manque de résultats concrets suite aux récentes manifestations, critiquant l’idée d’une taxe comportementale à la française et appelant plutôt à une éducation des consommateurs et à une meilleure valorisation des vins alsaciens sur le marché.
Malgré ces défis, le Président reste optimiste quant à la capacité collective à surmonter ces obstacles. Il évoque les projets futurs de l’AVA comme des outils essentiels pour soutenir la nouvelle génération et renforcer l’ensemble de la filière viticole alsacienne.
Défis économiques et nécessité d’innovation pour l’avenir
La présentation des états financiers pour l’année 2023 par Jérôme Bauer et Laurent Ritter, trésorier de l’AVA, a mis en lumière un déficit de 88 000 € pour l’année précédente, dépassant le budget initial de 12 000 €. Cette situation découle en partie d’une légère baisse des ventes de marchandises combinée à une hausse généralisée des coûts. Face à cette réalité, des réflexions complémentaires sont nécessaires pour trouver des solutions pérennes et sortir de ce déficit structurel.
« La situation financière précaire de l’AVA met en évidence les défis économiques auxquels sont confrontés les viticulteurs alsaciens, nécessitant des solutions innovantes pour assurer la viabilité de la filière. »
La présentation détaillée des chiffres de l’actif et du passif pour l’année 2023 par Laurent Ritter a souligné les variations dans les différents postes financiers. Malgré une légère diminution des immobilisations nettes, les stocks ont connu une nette augmentation, anticipant les hausses de tarifs prévues pour 2024. Au niveau du passif, le fonds associatif a diminué de 88 000 €, reflétant le déficit de l’année précédente.
Les comptes ont été approuvés par les réviseurs et le commissaire aux comptes, attestant de leur conformité et de leur fiabilité, apportant ainsi une assurance quant à la transparence et à la rigueur dans la gestion financière de l’AVA, malgré les défis économiques rencontrés.
La futur Maison des Vins d’Alsace
Laurent Ritter a présenté lors de l’Assemblée Générale de l’AVA le projet de la future Maison des Vins d’Alsace, soulevant des problématiques liées à l’adaptation aux normes tertiaires et aux besoins actuels de l’organisation. Actuellement, la configuration et la taille de la maison en place génèrent des coûts énergétiques et de maintenance considérables. Les charges de copropriété ont augmenté de manière significative ces dernières années, mettant en évidence la nécessité de réflexion quant à l’avenir de la structure.
« Face aux défis énergétiques et fonctionnels, la rénovation ou la construction d’un nouveau bâtiment s’impose comme une nécessité incontournable pour l’avenir de la Maison des Vins d’Alsace. »
La loi climat et résilience impose des économies d’énergie aux bâtiments tertiaires de plus de 1000 mètres carrés, ce qui inclut la maison actuelle. Face à ces défis, trois options ont été envisagées : rejoindre la “Cité des Vins d’Alsace“ (impossible par manque de place), réhabiliter le bâtiment existant ou construire une nouvelle structure. La réhabilitation nécessiterait des investissements conséquents pour répondre aux normes énergétiques et réorganiser les espaces intérieurs. En comparaison, la construction d’un nouveau bâtiment semble économiquement plus avantageuse, avec une projection de coûts de fonctionnement moins élevés à long terme.
La proposition, qui est approuvée, comprend la vente de la maison actuelle, la création d’une SCI pour gérer la nouvelle copropriété (AVA et CIVA), et une enveloppe budgétaire de 5,8 millions d’euros pour le projet. Des discussions sont en cours avec des acquéreurs potentiels, mais une décision finale reste à prendre lors de l’Assemblée Générale. Malgré les risques associés à la rétractation d’un acheteur potentiel, des garanties sont en place pour sécuriser la transaction. Le projet vise à optimiser les ressources disponibles et à assurer une transition vers un espace mieux adapté aux besoins de l’AVA et de ses partenaires. En réduisant les coûts de fonctionnement et en maximisant l’efficacité des espaces, la Maison des Vins d’Alsace envisagée représente une opportunité pour l’organisation de prospérer dans les années à venir.
Le Crémant limite les pertes
La présentation économique du vignoble menée par Manon Tijou du CIVA offre un aperçu détaillé de l’évolution récente du marché viticole. En 2023, les ventes ont affiché une légère baisse par rapport à l’année précédente, avec 925 339 hectolitres vendus sur une récolte de 991 493 hectolitres. Cette tendance est observable dans plusieurs appellations, telles que l’Alsace et le Crémant d’Alsace, bien que ce dernier ait connu une augmentation notable de près de 5%.
« Malgré les turbulences économiques, le vignoble alsacien maintient le cap avec résilience, naviguant entre les baisses de ventes et les lueurs d’optimisme des exportations, démontrant ainsi sa capacité à s’adapter aux défis du marché mondial du vin. »
Malgré une baisse de 4,7% des ventes annuelles en volume, les exportations ont enregistré une légère augmentation, illustrant une performance relative dans un contexte économique général difficile. Les données comparatives avec d’autres vignobles nationaux révèlent des tendances similaires, avec une baisse des exportations françaises de vins tranquilles, mais une performance relativement stable des effervescents, notamment en Alsace. Concernant les cépages, le tableau montre une variation dans les volumes de vente et les stocks, avec une attention particulière portée au Pinot Gris et au Pinot Noir, dont les dynamiques de marché sont suivies de près. Les réserves actuelles indiquent une gestion prudente des stocks pour s’adapter à la demande fluctuante du marché.
Enfin, l’analyse des prix du vrac révèle des fluctuations saisonnières et une augmentation générale des prix pour certains cépages, notamment le Pinot Noir. Dans l’ensemble, la présentation met en lumière les défis et les opportunités auxquels est confronté le vignoble, tout en soulignant la nécessité d’une gestion proactive pour maintenir la stabilité économique et la compétitivité sur le marché mondial du vin.
Nouvelles orientations pour la viticulture alsacienne
Plusieurs orientations concernant la récolte 2024 ont été abordées. Tout d’abord, il y a eu une mise en garde contre une éventuelle surproduction, notamment en raison des fluctuations du marché et des tensions observées sur certains cépages. La diminution de la demande pour le Riesling a été soulignée, suscitant des inquiétudes quant à sa rentabilité.
“Est-ce que dans cette appellation on est pas toujours entrain de prendre les grandes décisions trop tard ? Il est peut-être nécessaire de prononcer le mot arrachage, que ce soit temporaire ou sur une période plus longue. Je crois qu’il y a des leviers que nous n’avons pas encore utilisés, comme simplement de laisser la terre en jachère… cela permettrait de gérer la production globale et donc le volume commercialisable.“
Par ailleurs, des discussions ont eu lieu sur la nécessité de revoir les stratégies de commercialisation, notamment en ce qui concerne le Crémant, qui, bien que performant, ne compense pas les pertes sur d’autres cépages. Il a été suggéré d’envisager des mesures telles que la réduction des rendements pour garantir une meilleure rentabilité, tout en appelant à une réflexion plus large sur l’avenir de la viticulture et la nécessité de prendre des décisions courageuses pour assurer sa durabilité. Enfin, des discussions ont également eu lieu sur la possibilité d’ajuster les politiques de plantation en fonction des besoins du marché et des contraintes réglementaires.
Nouveaux formats de bouteilles enfin adoptés
Enfin, l’évolution des cahiers des charges pour l’intégration de nouveaux formats de bouteilles a été approuvée lors de l’Assemblée Générale, répondant aux besoins des producteurs tout en préservant l’identité et la qualité des vins d’Alsace. Cette évolution vise à permettre l’utilisation de différents types de bouteilles, notamment la Bourgeoise et la Renaissance, afin de répondre aux besoins des producteurs tout en préservant l’identité et la qualité des vins d’Alsace. La décision prend en compte les contraintes réglementaires européennes et les préoccupations concernant l’authenticité des produits.
« L’évolution du cahiers des charges ouvre la voie à l’intégration de nouveaux formats de bouteilles, défiant ainsi la tradition de la flûte du Rhin pour une diversification plus en accord avec les besoins des producteurs.“
L’Assemblée Générale de l’AVA a mis en lumière les défis auxquels est confrontée la viticulture alsacienne, tout en soulignant la résilience et la détermination du secteur à surmonter ces obstacles pour assurer sa durabilité et sa prospérité futures. Prochain rendez-vous dans quelques semaines pour l’orientation de la récolte 2024.