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Samedi 5 avril, sous les projecteurs du Mondial des Vins Blancs de Strasbourg, une masterclass dédiée aux vins désalcoolisés a captivé l’attention des professionnels et des passionnés du vin. Animée par Bruno Marret, œnologue visionnaire, et Sue Eames, experte et juge au Mondial, cette session a offert un aperçu fascinant d’un segment en pleine expansion qui redéfinit les frontières traditionnelles de la viticulture. La masterclass a non seulement mis en lumière les innovations dans le domaine des vins sans alcool, mais a également servi de plateforme pour discuter des défis et des opportunités que ce marché émergent présente.

Une ouverture inspirante

Christine Collins, directrice du concours, a ouvert la masterclass avec une énergie communicative, saluant des figures emblématiques du monde viticole telles que Monika Christmann, Présidente d’honneur de l’OIV, et Edita Durcova, vice-présidente de Vinofed. Christine Collins a également rendu hommage aux élèves du lycée hôtelier Alexandre Dumas et de l’Académie Internationale des Vins en Alsace (AIVA), soulignant leur rôle crucial dans l’organisation de l’événement.

Un visionnaire du vin sans alcool

Bruno Marret, œnologue et négociant en vin, a partagé son parcours atypique dans le domaine des vins désalcoolisés. Diplômé de la Faculté de Bordeaux en 1991, Bruno Marret a fondé en 2002 la Côte de Vincent, une entreprise pionnière dans la production de vins sans alcool. “Lorsque j’ai commencé, j’ai dû remettre en question toute mon éducation viticole“, a-t-il confié, évoquant les défis initiaux et les critiques sarcastiques de ses pairs. Son intérêt pour les vins désalcoolisés est né d’une prise de conscience personnelle et d’une soirée un peu trop arrosée, “Je me suis rendu compte que je disais des bêtises sous l’effet de l’alcool, et cela m’a poussé à chercher des alternatives“.

Bruno Marret insiste sur l’importance de repenser les traditions viticoles pour embrasser cette nouvelle tendance, “Le vin désalcoolisé est un enjeu majeur sur les plans sociétal, politique et économique, soulignant que les jeunes générations sont les futurs consommateurs de cette catégorie de boissons. Il a également souligné que les vins désalcoolisés ne sont pas seulement une mode, mais une véritable alternative pour les décennies à venir.

L’histoire et les techniques de désalcoolisation

La masterclass a plongé dans l’histoire et les techniques de désalcoolisation. Bruno Marret a rappelé que les premières tentatives remontent à 1908 en Allemagne, où l’objectif initial était de récupérer l’alcool des vins. Depuis, les techniques ont évolué, avec des méthodes telles que la distillation sous vide, l’osmose inverse et la colonne à cônes rotatifs. “La qualité du vin de base est essentielle pour obtenir un produit désalcoolisé de qualité“, a martelé Bruno Marret. Il a critiqué les pratiques industrielles qui ajoutent des sucres et des arômes artificiels pour compenser la perte d’arômes lors de la désalcoolisation, “Un bon vin désalcoolisé doit reposer sur une base de vin de haute qualité“, a-t-il insisté.

Sue Eames a apporté une perspective internationale à la discussion, soulignant que les vins désalcoolisés sont très demandés aux États-Unis, en Afrique du Sud et au Royaume-Uni, “Il y a une véritable demande pour des alternatives sans alcool, notamment pendant des périodes comme le Dry January ou pour les femmes enceintes. Sue Eames note que ces vins permettent aux personnes de participer à des événements sociaux sans consommer d’alcool, ce qui est particulièrement important dans certaines cultures et contextes religieux.

Une expérience sensorielle unique

La masterclass s’est poursuivie avec une dégustation de cinq vins désalcoolisés, offrant aux participants une expérience sensorielle inédite. Les vins présentés incluaient deux effervescents (un blanc et un rosé), deux rouges et un rosé, chacun désalcoolisé par des méthodes différentes. Bruno Marret a expliqué que les vins désalcoolisés peuvent offrir une complexité et une profondeur similaires à celles des vins traditionnels, à condition d’être dégustés dans les bonnes conditions.

“Le vin désalcoolisé n’a d’intérêt gustatif que s’il est associé à un plat“, mettant en avant l’importance de l’accord mets et vins pour apprécier pleinement ces boissons. Il a également insisté sur le fait que les vins désalcoolisés doivent être perçus comme une alternative et non comme un substitut direct des vins alcoolisés.

Une vision technique et pratique

Émilie Lejour, œnologue pour la maison Wolfberger et juge au concours, a apporté une perspective technique à la discussion, “La présentation était plus orientée sur le type de consommateur et quel public il faut viser pour ce type de produit“. Elle souligne l’importance de bien expliquer aux professionnels que les vins désalcoolisés ne sont pas simplement des boissons sucrées, mais des produits élaborés avec soin.

Elle a également mis en avant la difficulté d’accorder les vins dégustés avec des plats, en raison de leur teneur élevée en sucre, “Créer un accord mets-vin avec ce qu’on a dégusté aujourd’hui, c’est franchement compliqué“, tout en reconnaissant l’existence de vins désalcoolisés de meilleure qualité sur le marché. Elle a mentionné des exemples comme le domaine de la Grenaudière (implanté dans l’appellation Muscadet), qui propose des vins désalcoolisés de qualité, montrant que des alternatives intéressantes existent déjà.

Une expérience de dégustation

Éric Fargeas, ancien directeur de la Confrérie Saint-Etienne, aujourd’hui retraité et dégustateur au Mondial des Vins Blancs, a partagé son expérience de la masterclass. “Pour moi, le terme vin est difficilement applicable à ce genre de boisson“. Bien qu’il ait reconnu la qualité des produits présentés, il a souligné qu’ils ne peuvent pas être dégustés avec l’état d’esprit d’un dégustateur de vin traditionnel.

Éric Fargeas a également noté que les vins désalcoolisés manquent souvent de matière et de caractère en bouche, les rendant difficiles à accorder avec des repas. “En termes de typicité, ces vins ne peuvent pas prétendre à un Sigille dans la catégorie terroir“, a-t-il ajouté avec une pointe d’humour, faisant allusion à la récompense qu’arborent les vins primés au prestigieux concours de la Confrérie Saint-Etienne. Cependant, il reconnaît que ces produits peuvent avoir leur place dans des contextes spécifiques, comme les apéritifs ou les fins de soirée, où l’objectif est de proposer une boisson légère et agréable.

Les défis et opportunités du marché

Sue Eames a souligné les défis et opportunités du marché des vins désalcoolisés, “Ces vins représentent une alternative intéressante pour les consommateurs soucieux de leur santé ou ayant des restrictions alimentaires“. Elle a également abordé les aspects réglementaires et culturels, notant que les vins désalcoolisés peuvent ouvrir de nouveaux marchés, notamment dans les pays où la consommation d’alcool est limitée pour des raisons religieuses ou culturelles.

“Les vins désalcoolisés peuvent devenir une habitude alimentaire courante, à l’instar du Coca-Cola ou du jus d’orange“, a affirmé Bruno Marret, exprimant son espoir pour l’avenir de ces boissons. Il a encouragé les professionnels du vin à embrasser cette tendance et à continuer d’innover pour offrir des produits de qualité. Bruno Marret a également insisté sur l’importance de l’innovation continue dans le domaine, soulignant que les techniques de désalcoolisation doivent évoluer pour répondre aux attentes des consommateurs.

L’avenir radieux du vin désalcoolisé

La masterclass a mis en lumière l’avenir prometteur des vins désalcoolisés. Bruno Marret a exprimé son optimisme quant à l’intégration de ces vins dans les habitudes alimentaires modernes, “Nous devons repenser les traditions pour répondre aux besoins et aux préférences des consommateurs modernes“. Il a également souligné l’importance de l’éducation et de la sensibilisation pour permettre aux consommateurs de mieux comprendre et apprécier les vins désalcoolisés.

La masterclass s’est terminée sur une note d’optimisme, avec des échanges enrichissants entre les participants et les experts. L’événement a non seulement célébré l’innovation dans le domaine viticole, mais a également souligné l’importance de repenser les traditions pour répondre aux besoins et aux préférences des consommateurs modernes.

Cette masterclass a été un témoignage éloquent de l’évolution du monde viticole, où tradition et innovation se rencontrent pour créer de nouvelles expériences gustatives. Les vins désalcoolisés, autrefois considérés comme une anomalie, sont désormais en passe de devenir une composante de l’industrie vinicole, offrant une alternative pour les amateurs de vin du monde entier. Alors que le marché continue de croître et d’évoluer, il est clair que les vins désalcoolisés ont un rôle important à jouer dans la filière viticole.