Pour cette 3ème date de la tournée des terroirs 2024, les vins d’Alsace vous donnaient rendez-vous à Kientzheim, dans le Haut-Rhin. Entre les remparts de cette cité fortifiée et le vignoble, sous la protection du grand cru Furstentum et de Lazare de Schwendi, la journée s’est déroulée à l’ombre des marronniers et cerisiers. Une journée pour découvrir Kientzheim autrement qu’à travers sa célèbre confrérie.
Chaussée de baskets, Yannick Mignot, formatrice en viticulture, nous emmène à la découverte du Grand Cru à l’honneur en ce dimanche ensoleillé. Notre guide du jour, originaire de Bourgogne, est tombée dans la géologie dès son plus jeune âge, grâce à des professeurs passionnés qui ont su lui transmettre l’amour des roches. Mariée à un vigneron de Ribeauvillé, elle connaît très bien le secteur et cultive des parcelles sur le Schlossberg voisin.
La balade a commencé au cœur du grand cru par une lecture de paysage, l’occasion de reprendre l’histoire de l’Alsace sur plusieurs millions d’années en arrière, afin de comprendre l’origine des sols de notre grand cru. En effet, nous retrouvons du granit de plus de 300 millions d’années sur le Schlossberg voisin, issu d’une ancienne chaîne de montagnes : la chaîne hercynienne. Ensuite, il y a eu des épisodes de sédimentation horizontale, en strates, qui dans le cas du Furstentum, témoignent d’une sédimentation marine identifiée par l’étude des fossiles retrouvés sur place. Ces strates ont été ensuite plus ou moins chamboulées par l’effondrement du fossé rhénan.
Au niveau du Furstentum, le chamboulement des strates n’a pas eu lieu. Nous pouvons découper la colline qui accueille le grand cru en trois zones distinctes : la zone basse, la zone centrale et la zone sommitale. La zone bassese caractérise par la présence d’un sol marneux, c’est-à-dire moitié calcaire, moitié argile, de teinte plutôt bleu/gris. Au sein de cette roche tendre, des fossiles du Jurassique inférieur ont été identifiés (environ 180 millions d’années).
En remontant vers le centre de la colline, partie haute du vignoble, le calcaire devient dominant avec une légère présence d’argile (5 à 7 %). Ce calcaire date du Jurassique moyen (environ 160 millions d’années). Le sol est plus caillouteux, avec une roche plus dure que celle présente plus bas. Cette présence de cailloux en nombre est reflétée par les pierriers entre les parcelles de vigne, issus des pierres extraites des parcelles au fil des années d’exploitation.
La zone sommitale de la colline est un conglomérat calcaire datant de l’ère tertiaire (environ 35 millions d’années). Cette zone est le témoignage du débouché de la Weiss, qui apportait les cailloux arrachés aux montagnes. Il s’agit du même calcaire que celui des strates présentes plus bas. Ici, le calcaire est encore plus présent : il est dans les roches calcaires mais aussi dans la matrice qui permet de former ce conglomérat.
Le basculement des strates est lié à la création du fossé rhénan et à la formation du paysage que nous connaissons actuellement. Cette balade était également l’occasion d’observer la flore présente sur le grand cru. En effet, les plantes autour des parcelles peuvent donner une idée du type de sol. À climat et altitude équivalents, la flore ne sera pas la même sur un sol calcaire que sur un sol acide. Chaque plante a son environnement de prédilection.
Frédéric Blanck du domaine Paul Blanck a animé un atelier « découverte des terroirs calcaires de Kaysersberg vignoble », accompagné par Quentin Blanck du domaine André Blanck et Victor Schiffmann, coopérateur. Après une introduction pour présenter le grand cru où se déroulait la dégustation et l’histoire de l’implantation de la vigne et son travail, la quinzaine d’inscrits à l’atelier ont pu déguster 7 vins issus du Furstentum.
La dégustation a commencé par deux Rieslings : un 2015 du domaine Maurice Schoech, équilibré avec des notes d’agrumes, et un 2003 du domaine Paul Blanck, démontrant que les vins blancs peuvent être des vins de garde. Ensuite, deux pinot gris ont été proposés : un 2010 du domaine Jean-Marc Bernard, aux arômes de miel et une belle longueur, et un 2006 du domaine Fleith, avec une robe or foncé et des notes de miel malgré une année marquée par le botrytis.
Une parenthèse avec un pinot noir, la cuvée P du domaine Paul Blanck, a offert un vin de 2020, encore jeune avec des tanins présents, mais prometteur avec un potentiel de vieillissement. La dégustation s’est terminée avec deux gewurztraminers équilibrés en acidité et sucre : un millésime 2016 du domaine André Blanck et un millésime 2019de Schmitt et Carrer.
Notre viticulteur animateur a rappelé deux points essentiels : « Le terroir va transcender le millésime sur un grand cru », « Le vin est une histoire de temps »
Si vous avez manqué cette journée, inscrivez-vous pour les prochaines ! Cinq dimanches sont encore au programme avec des ateliers inédits, un bar éphémère, de la restauration locale et un DJ pour l’animation.