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Au cœur du Biopôle de Colmar, nous avons rencontré Arthur Froehly, responsable du pôle technique du CIVA(Conseil Interprofessionnel des Vins d’Alsace). Il nous a expliqué les défis que la viticulture alsacienne doit relever face aux changements climatiques et les adaptations nécessaires pour y faire face. Après une première interview avec Philippe Bouvet sur la Stratégie de Valorisation des Vins d’Alsace (ICI), ce deuxième entretien s’inscrit dans la continuité des explications fournies lors de la plénière du CIVA qui s’est tenue le 28 juin dernier au Parc des Expositions de Colmar.

Présentation du pôle technique du CIVA 

Le pôle technique du CIVA, dirigé par Arthur Froehly, est une organisation interprofessionnelle située au Biopôle de Colmar. Ce site accueille divers organismes de recherche et de développement viticole. Leur mission inclut la sélection et le clonage des variétés de vigne, la conservation des cépages et la gestion de données millésimes. Les activités du CIVA comprennent également la recherche sur les porte-greffes et la gestion d’un réseau de stations météo, fournissant ainsi un soutien technique essentiel aux viticulteurs alsaciens.

Impact de l’augmentation des températures moyennes 

L’augmentation des températures moyennes affecte notablement la viticulture en Alsace, modifiant la phénologie de la vigne. Des décalages dans le débourrement, la floraison et la véraison sont observés, accroissant le risque de gel au printemps et intensifiant le stress hydrique en été. Ces changements impactent la qualité des raisins et, par conséquent, celle du vin. Les vins blancs alsaciens, réputés pour leur acidité et leurs arômes secs, sont particulièrement vulnérables. Les vendanges, qui commençaient autrefois en octobre, débutent désormais fin août ou début septembre, modifiant les conditions de maturation des raisins.

Adaptation des viticulteurs 

Pour s’adapter à ces changements, les viticulteurs alsaciens explorent diverses solutions. Les pratiques de conduite de la vigne sont ajustées pour limiter le stress hydrique et optimiser la charge en raisins. La sélection de porte-greffes adaptés au stress hydrique est également en cours d’évaluation. À long terme, des variétés résistantes issues de programmes comme le VIVA (Variétés d’Intérêt à Fin d’Adaptation) sont testées pour leur adaptation au climat alsacien. Ces variétés pourraient représenter jusqu’à 5% de la surface d’exploitation et 10% des assemblages commercialisés sous l’appellation Alsace.

« La viticulture alsacienne est à un tournant, nécessitant des adaptations et des innovations pour répondre aux défis climatiques, avec des projets prometteurs soutenus par des programmes comme AlsAdapt et le PNDV. »

Le rôle de l’AOC dans l’innovation 

L’AOC (Appellation d’Origine Contrôlée) permet de valoriser les Vins d’Alsace et leur image. Cependant, les défis climatiques nécessitent des ajustements. Les vignerons doivent décider ensemble des changements à apporter, tandis que les équipes de recherche et développement doivent proposer des solutions adaptées. Le pôle technique du CIVA joue un rôle crucial en tant qu’incubateur de solutions, permettant aux viticulteurs d’expérimenter et d’évoluer tout en respectant les règles de l’appellation.

Facteurs contribuant à la baisse de rendement 

Les rendements à l’hectare diminuent principalement à cause du dépérissement de la vigne, lié aux maladies du bois, aux virus comme le court-noué et l’enroulement, ainsi qu’aux stress abiotiques tels que le stress hydrique et les épisodes climatiques extrêmes. La mortalité des vignes due à ces facteurs engendre des pertes économiques significatives. La recherche sur ces sujets est donc essentielle pour limiter ces pertes.

Lutte contre le dépérissement des vignes En Alsace, les maladies du bois représentent le défi principal. Comprendre les causes de ces maladies est essentiel pour trouver des moyens de lutte efficaces. Les méthodes actuelles sont préventives et manuelles, comme la taille ou le curetage, mais elles ne sont pas suffisantes à grande échelle. Une meilleure compréhension pourrait permettre de développer des techniques automatisables.

Exploration de solutions alternatives 

Depuis 2014, diverses alternatives aux matières actives retirées sont explorées. Les pratiques mécaniques et prophylactiques, le biocontrôle et les variétés résistantes sont des pistes prometteuses. Il est crucial de combiner ces approches pour réduire l’utilisation des produits phytosanitaires tout en maintenant la productivité et la qualité du vignoble.

« Pour les jeunes viticulteurs, planifier à long terme en tenant compte des conditions climatiques futures et être ouvert aux innovations technologiques est essentiel pour s’adapter aux défis environnementaux. »

Programmes de conservation et sélection 

Le pôle technique du CIVA joue un rôle crucial dans la conservation de la diversité génétique des vignes. Ils gèrent les conservatoires des variétés et continuent de prospecter pour maintenir et enrichir cette diversité. Ces conservatoires sont des ressources précieuses pour la recherche et la sélection de cépages adaptés aux conditions climatiques changeantes.

Résultats attendus du programme AlsAdapt 

Le programme AlsAdapt explore diverses approches pour préparer la viticulture alsacienne aux défis climatiques à venir. Ce projet s’intéresse à plusieurs aspects, notamment le matériel végétal, la gestion de la canopée et les innovations techniques.

  • Matériel végétal : AlsAdapt sélectionne des porte-greffes et des variétés de vignes capables de résister au stress hydrique et aux températures élevées.
  • Gestion de la canopée : Des techniques comme le rognage et l’effeuillage précoce sont évaluées pour leur efficacité à maintenir l’acidité des raisins et à réduire l’accumulation d’alcool. L’utilisation de filets d’ombrage et l’application de kaolin, comparables à une crème solaire pour les vignes, montrent également un potentiel prometteur pour protéger les vignes des coups de chaud.
  • Domaine œnologique : Des essais sur les levures et les assemblages de vins permettent d’explorer comment ces facteurs peuvent aider à maintenir la qualité des vins alsaciens malgré les conditions climatiques changeantes. Toutefois, de nombreuses pratiques innovantes testées, telles que les filets d’ombrage et les traitements foliaires, ne sont pas encore autorisées par le cahier des charges actuel. Ces recherches restent donc prospectives, mais elles ouvrent la voie à de possibles adaptations futures.

Le prochain projet, prévu pour 2025, vise à créer un démonstrateur viticole d’adaptation au changement climatique et d’atténuation des émissions de carbone. Ce projet, construit en collaboration avec les professionnels, testera les innovations à grande échelle et engagera la viticulture alsacienne vers une transition durable.

Projets financé par le PNDV et leurs impacts 

Le Plan National de lutte contre les Dépérissements du Vignoble(PNDV) soutient plusieurs projets clés en Alsace, dont les résultats promettent d’améliorer la résilience du vignoble face aux maladies.

  • Projet Euréka : Centré sur les maladies du bois, ce projet a permis de financer des actions prophylactiques comme le recepage et le curetage, montrant des résultats positifs pour prolonger la vie des vignes. Les connaissances acquises grâce à ce projet permettent de mieux gérer ces maladies, offrant une perspective durable pour les vignobles.
  • Projet Vaccivine : Mené par l’INRA de Colmar, ce projet vise à créer des plants prémunis contre le court-noué. En identifiant des vignes résistantes à cette maladie virale, le projet espère replanter ces variétés dans des zones affectées, réduisant ainsi les pertes de rendement. Ce projet est particulièrement important pour les vignobles bourguignons, alsaciens et champenois, où le court-noué cause des pertes significatives.
  • Projet sur le Bois Noir : Un autre projet important concerne le bois noir, une maladie masquant les symptômes de la flavescence dorée. Ce projet vise à mieux comprendre la dynamique de transmission du bois noir et à développer des mesures prophylactiques pour limiter son impact, contribuant ainsi à la santé globale des vignobles du quart nord-est de la France.

« Le Vinopôle Alsace mutualise les ressources pour renforcer la recherche et l’innovation, préparant les viticulteurs aux nouvelles pratiques nécessaires pour une viticulture durable. »

Objectifs et stratégies du Vinopôle Alsace 

Le Vinopôle Alsace a pour mission de mutualiser les ressources et de fédérer les compétences des différents organismes viticoles pour mieux répondre aux défis actuels. En regroupant les moyens humains et financiers, le Vinopôle vise à renforcer la recherche, le développement et l’innovation dans la viticulture alsacienne.

L’un des objectifs clés est de répondre aux problématiques du changement climatique, des attentes sociétales et environnementales, tout en assurant la viabilité économique des exploitations viticoles. Un accent particulier est mis sur le transfert de connaissances et la formation, préparant ainsi les viticulteurs aux innovations et aux nouvelles pratiques nécessaires pour une viticulture durable.

La viticulture alsacienne dans les 10 prochaines années 

Les dix prochaines années promettent des transformations significatives pour la viticulture alsacienne. L’ouverture de l’AVA du dossier VIFA sur les variétés de vignes pourrait modifier le paysage viticole, en permettant l’expérimentation de nouvelles variétés adaptées aux conditions climatiques futures. Les techniques culturales évolueront également, avec un focus sur la gestion du sol sans herbicides et la réduction de l’empreinte carbone.

En outre, l’économie circulaire pourrait devenir une composante essentielle de la viticulture, valorisant les co-produits de la vigne et du vin pour renforcer la résilience et la durabilité. La viticulture alsacienne devra s’adapter non seulement aux conditions climatiques changeantes, mais aussi aux évolutions des attentes des consommateurs.

Conseils aux viticulteurs face au changement climatique 

Arthur Froehly encourage les jeunes viticulteurs à être curieux et ouverts aux nouvelles pratiques. Il est crucial de participer à des formations et à des réseaux d’échangepour rester à jour sur les innovations. L’adaptation aux conditions climatiques changeantes et aux nouvelles attentes des consommateurs exigera une combinaison de tradition et d’innovation, soutenue par une recherche continue et une collaboration étroite au sein de la communauté viticole.