Lors de la conférence proposée par le Crédit Agricole Alsace Vosges à la Foire Aux Vins de Colmar le 1er août dernier, un événement qui a attiré un large public, Alicia Dorey, journaliste vin au Figaro, élue meilleure journaliste vin de France en 2024 et autrice de « À nos ivresses », a évoqué le bel avenir des vins d’Alsace malgré une ambiance générale morose dans le vignoble.
En 2024, le vin est redevenu la boisson préférée des Français et des jeunes adultes, devant la bière. Les achats des vins de milieu de gamme diminuent au profit des vins plus chers, les consommateurs préférant boire plus cher et mieux.
Alicia Dorey met l’accent sur le fort potentiel à l’export des vins d’Alsace, qui sont les vins français les plus achetés par les professionnels étrangers. La diversité des vins d’Alsace est un atout pour attirer les jeunes consommateurs qui recherchent plus de légèreté dans les vins et sont avides de découvertes. Elle a abordé la vente aux enchères, un axe de vente à fort potentiel pas suffisamment utilisé pour les vins d’Alsace.
La journaliste a listé les grandes tendances de consommation actuelle et estime que les vins d’Alsace ont tous les atouts pour satisfaire les consommateurs. Le consommateur est à la recherche de certifications, et l’Alsace est le vignoble le plus biodynamique d’Europe. La biodynamie n’est pas une opportunité pour l’Alsace, car c’est une méthode culturale bien ancrée depuis le début du 19ème siècle.
Le consommateur recherche plus de buvabilité et de légèreté dans les vins, d’où un engouement pour les vins blancs, mais attention aux effets de mode. L’Alsace étant depuis longtemps une grande terre de blancs, on ne peut effectivement pas parler d’effet de mode.
Alicia Dorey a expliqué que la consommation du Crémant explose en restauration car il est moins onéreux que le Champagne et se tient mieux tout au long d’un service que les Pét Nat. Pour les consommateurs actuels, le Crémant répond à deux critères tendances : c’est un vin léger par sa faible teneur en alcool et il a une image d’authenticité par le savoir-faire ancestral de sa production. Elle a insisté sur le fait que l’Alsace ne doit pas abandonner le Gewurztraminer. Certes, sa puissance aromatique peut poser des problèmes, mais c’est un cépage à fort potentiel pour l’export vers les marchés asiatiques et surtout, il a de grandes qualités pour la production de vins oranges très gastronomiques, digestes et à forte buvabilité.
Autre argument qui influence le consommateur : l’authenticité, l’incarnation. Le consommateur est sensible aux récits et sagas familiales. En Alsace, de nombreux domaines se transmettent depuis plusieurs générations et sont installés dans des maisons traditionnelles typiques avec des caves exceptionnelles. C’est une des raisons pour lesquelles les caves coopératives changent d’image en inventant des récits.
Il ne faut pas oublier le potentiel du Pinot Noir. En effet, le réchauffement climatique est favorable à la production de ce cépage en Alsace. La demande de Pinot Noir ne cesse d’augmenter à l’export et le Pinot Noir d’Alsace peut exploser si un marché export en a assez des prix élevés de la Bourgogne.
Le vignoble alsacien présente le meilleur rapport qualité-prix de France. Le consommateur est prêt à payer davantage son vin d’Alsace à condition de lui présenter un argumentaire expliquant ce prix, tel qu’une cuvée limitée qui augmente la désirabilité du flacon. Elle précise qu’un vin rare ou original peut être un vin très classique pour sa région de production ; le vin est original car il est inconnu ailleurs. Authenticité et originalité sont tout à fait compatibles. La qualité principale d’un vin est l’incarnation.
Un problème subsiste : la lisibilité des noms des grands crus et des lieux-dits. La journaliste propose de développer des moyens mnémotechniques pour s’en rappeler, car on ne peut pas les changer. Elle précise également qu’il faut conserver la bouteille flûte rhénane, qui évoque la légèreté, image de ce que le consommateur veut.
Pour Alicia Dorey, l’Alsace a les atouts et le potentiel pour augmenter ses ventes. Elle préconise de jouer sur la rareté des cuvées, de continuer à innover, de conserver un vignoble à taille humaine et surtout de ne pas céder à la mode.