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À Wintzenheim, village niché au cœur de l’Alsace en périphérie de Colmar, Gilles Haeffelin est un homme au parcours multiple. Restaurateur, sommelier et viticulteur, il jongle avec ces différentes casquettes depuis des décennies. Ce passionné de la terre et du vin nous raconte sa vie quotidienne lors des vendanges, un moment clé dans son activité familiale, entre travail intense et amour du terroir.

Les origines familiales

La famille Haeffelin possède un lien profond avec la vigne depuis des générations. « Nous avons quelques vignes, un peu moins d’un demi-hectare, sur les communes de Wettolsheim et Wintzenheim », raconte Gilles. Aujourd’hui, ils sont en pleine vendange sur une parcelle de Riesling plantée dans les années 1950-1960. Ce petit vignoble, choyé comme un jardin, nécessite une attention particulière : « On bichonne les vignes, on replante dès qu’il y a des pieds manquants. » Ce soin méticuleux est rendu possible par la petite taille de l’exploitation. Cela permet à Gilles et à son père, qui travaille toujours à leurs côtés malgré ses 70 ans, d’intervenir directement sur la vigne. « Mon père prépare tout en amont. Il est dans les vignes très tôt chaque matin », explique-t-il. Pendant la période des vendanges, les journées sont longues et rudes : « On termine souvent à 1h ou 2h du matin et on se lève à 6h pour recommencer. »

La fidélité au Domaine Wunsch et Mann

Depuis plus de 40 ans, Gilles vend ses raisins au Domaine Wunsch et Mann, à Wettolsheim. Ce partenariat, basé sur la confiance et la fidélité, remonte au début des années 1980. « Avant ça, on était en cave coopérative, mais on est sortis de ce système à la fin des années 70 et on ne compte pas y retourner », confie-t-il. Cette collaboration permet à la famille Haeffelin de rester concentrée sur leur activité principale, la restauration, sans avoir à gérer eux-mêmes la mise en bouteille.

Un quotidien de restaurateur et sommelier

Outre les vendanges, Gilles Haeffelin gère également le restaurant familial Au Bon Coin. Entre service et travail dans les vignes, ses journées sont bien remplies. « À 8h30, je dois encore ouvrir notre partie brasserie-tabac », s’exclame-t-il. Cette double activité n’est possible que grâce à la petite taille de leur domaine viticole. « Si on avait une plus grande surface, on ne pourrait pas tenir ce rythme. » Au restaurant, la passion pour le vin est omniprésente. Fervent défenseur des vins d’Alsace, Gilles a construit une carte des vins impressionnante, avec plus de 1600 références. « Notre carte commence par 14 pages de vins d’Alsace. Pour moi, c’est normal de défendre notre terroir », affirme-t-il fièrement. Sa philosophieest simple : rendre le vin accessible et convivial. « Je préfère désacraliser le vin pour que ce soit un moment de partage et de plaisir. »

La sélection des vins, un travail minutieux

Le choix des vins pour le restaurant demande une attention particulière. « Je me déplace pour goûter au maximum chez les viticulteurs, notamment en Alsace », explique Gilles. Au départ, il s’était fixé une limite de 68 viticulteurs, en référence au numéro du département, mais aujourd’hui, il en compte plus de 80. « Je choisis selon mes goûts, mais aussi pour répondre aux attentes des clients. Il faut des vins de tous styles : nature, macération, boisés… » La sélection ne se limite pas aux vins d’Alsace. Bien que cette région reste au cœur de sa carte, Gilles se veut ouvert à d’autres horizons viticoles. Cela dit, il regrette parfois que certains clients ne soient pas prêts à découvrir les trésors alsaciens. « C’est frustrant de voir des touristes qui ne veulent boire que du Bourgogne », déplore-t-il.

Un millésime 2024 exigeant

Pour ce millésime 2024, les conditions ont été particulièrement difficiles. « Il y a eu beaucoup de travail à la vigne cette année, avec des effeuillages et des traitements plus fréquents que d’habitude », explique Gilles. Lui et son père ont dû mettre les bouchées doubles, utilisant leurs rares jours de repos pour préparer les parcelles. Malgré ces efforts, la météo capricieuse, notamment une pluviométrie élevée, a compliqué la tâche. « La vigne a poussé de manière importante, ce qui a demandé beaucoup de travail supplémentaire », souligne-t-il.

Un avenir prometteur pour les vins d’Alsace

Malgré les défis, Gilles reste optimiste sur l’évolution des vins d’Alsace. « La qualité est en constante progression », se réjouit-il. Si certains vins, comme les Pinot Noirs, ont vu leurs prix augmenter, Gilles souligne que les Rieslings, eux, restent abordables et d’un excellent niveau qualitatif. « Le rapport qualité-prix en Alsace est fantastique. » Depuis 2008, le domaine Haeffelin est certifié en agriculture biologique, une démarche qui tient particulièrement à cœur à la famille. « Cela permet d’obtenir des raisins de meilleure qualité et de mieux entretenir nos sols », précise Gilles. Un engagement qui reflète la passion et l’attention qu’il accorde à la vigne, à la terre et au vin. Pour Gilles Haeffelin, le vin d’Alsace est plus qu’un simple produit : c’est une part de son identité, un héritage qu’il défend avec ferveur.