La semaine dernière, l’Union des Œnologues d’Alsace a organisé sa traditionnelle dégustation du millésime à Voegtlinshoffen, au Domaine Cattin. À cette occasion, pas moins de 80 échantillons, issus de 12 maisons différentes représentant toutes les familles viticoles alsaciennes, ont été évalués par une vingtaine d’œnologues.
Éléna Kotzev, organisatrice de la dégustation, et Alain Schmitt, président de l’UOEF région Alsace, reviennent sur cette analyse d’un millésime 2024 compliqué, mais riche en enseignements et conclusions précieuses sur ses caractéristiques.
Les Rieslings et Crémants en tête
Parmi les échantillons dégustés, ce sont les Rieslings et les Crémants qui se sont particulièrement distingués par leur qualité globale. Alain Schmitt met en avant une différence nette entre les récoltes précoces, effectuées avant le 23 septembre, et celles réalisées plus tard. Les premières, avec des bases de crémant et des cépages comme le pinot ou le sylvaner, affichent une excellente qualité. En revanche, les récoltes tardives révèlent une qualité plus hétérogène, notamment pour les Gewurztraminers et les Pinots Gris.
Une climatologie décisive
Le millésime 2024 a été marqué par une climatologie contrastée. Les fortes pluies de fin septembre et début octobre ont compliqué le travail des vignerons. Selon Alain Schmitt, cette année a représenté une véritable épreuve pour les techniciens, autant dans les vignes qu’en cave. « Ceux qui ont su faire preuve de précision, tant dans le choix des dates de récolte que dans le démarrage des fermentations, ont obtenu des résultats remarquables », explique-t-il.
Deux périodes distinctes se dessinent : les raisins récoltés avant fin septembre ont produit des vins plus frais et équilibrés, tandis que ceux vendangés après cette date ont parfois souffert de conditions moins favorables. Cette dichotomie a particulièrement influencé les cépages sensibles comme le Pinot Gris et le Gewurztraminer.
Des cépages sous les projecteurs
Les bases Crémant se démarquent par leur fraîcheur et équilibre. Éléna Kotzev souligne qu’ils offrent une acidité vive et une élégance séduisantes pour amateurs et professionnels. Les Rieslings, encore jeunes, promettent de belles évolutions grâce à une acidité structurante, assurant une bonne garde.
Les Pinots Noirs, bien que plus légers que d’habitude, montrent un potentiel intéressant, malgré des notes végétales et un état encore « dur ».
En revanche, le Gewurztraminer reste en deçà de la moyenne quinquennale. Cependant, certains échantillons marquent un retour aux arômes floraux et exotiques, en contraste avec les profils très épicés des précédents millésimes. Cette évolution pourrait séduire un marché en quête de vins plus digestes et subtils.
Les Pinots Gris ont suscité des avis mitigés, avec des profils parfois déséquilibrés.
Un millésime nuancé
Malgré quelques séries qualitatives, le millésime 2024 se caractérise par une variabilité importante. Plus que jamais, les choix stratégiques des producteurs, de la récolte à l’élevage, se révèlent cruciaux. Selon Alain Schmitt, « ce n’est pas un millésime avec des structures imposantes, mais plutôt des vins digestes et accessibles, idéaux pour des consommateurs recherchant de la fraîcheur. »
Si certains y voient une réussite, il est clair que cette année ne restera pas gravée comme une référence historique. Toutefois, des rendements limités et des décisions stratégiques ont permis de produire de belles réussites, malgré une inégalité globale.
Esprit convivial et enseignements clés
Malgré les défis, cette dégustation a été une véritable opportunité d’échanges constructifs entre professionnels. Les débats ont souligné l’importance de valoriser les particularités de ce millésime tout en ajustant les stratégies de commercialisation. Éléna Kotzev insiste sur la nécessité de conserver un esprit convivial, favorisant des retours sincères et constructifs. L’accueil chaleureux et le soutien logistique du Domaine Cattin ont également été salués, illustrant la force de la collaboration dans la filière.
Une leçon pour l’avenir
Le millésime 2024 rappelle que chaque année viticole apporte son lot de défis et d’opportunités. Les vignerons capables de s’adapter aux aléas climatiques ont produit des vins remarquables, tandis que d’autres ont souffert d’un manque d’homogénéité.
Cette dégustation met en lumière la technicité nécessaire pour transformer ces contraintes climatiques en opportunités, tout en valorisant les échanges humains qui enrichissent le secteur. Comme le souligne Alain Schmitt, « ce sont ces défis qui nous poussent à innover et à nous surpasser, pour offrir des vins reflétant toute la diversité de nos terroirs. »
En somme, le millésime 2024 incarne une leçon d’humilité et d’adaptabilité, rappelant que la passion et le savoir-faire restent les moteurs essentiels de la réussite viticole.