Le jeudi 29 mars se tenait au CREF de Colmar l’Assemblée Générale de l’Association des Viticulteurs d’Alsace (AVA). On vous rassure de suite, l’AVA n’a pas réinventer le fonctionnement d’une assemblée générale ; au début c’est tout aussi palpitant que la série Derrick. Comme vous l’aurez compris et comme toutes les AG, c’est une longue litanie de chiffres (exercice passé, futur que l’on espère le meilleur possible et le bilan de l’année en cours). Comme toute association, évidemment ces chiffres sont vérifiés par des réviseurs aux comptes (Françis Fischer et Armand Landmann) eux-mêmes avalisés par un commissaire aux comptes (Sébastien Gall). Les chiffres n’ont pas donné lieu à contestation et ont été adoptés.
Dans ces chiffres nous souhaitions mettre en avant deux points qui donnent confiance pour l’avenir :
- la présentation de Jean-Louis Vezien (directeur du Conseil interprofessionnel des vins d’Alsace (CIVA) sur l’économie du vignoble, qui nous a présenté une forte augmentation du rendement (+ 19% par rapport à 2015) sur les vendanges du millésime 2016 avec un total de 1 176 353 hl récoltés.
- le budget 2017 qui devrait retrouver un équilibre et même être excédentaire (selon les prévisions). Ce retour à l’équilibre est grandement du au changement de barème, puisque les cotisations qui étaient auparavant calculées sur les hectolitres vinifiés passent maintenant à l’hectare vinifié.
S’en est suivi l’adoption de trois modifications dans la composition du conseil d’administration dans les sous-régions avec les départs :
- de Guy Weibel, remplacé par Julien Frey
- de Richard Frick, remplacé par Thomy Brucker
- de François Bernard, remplacé par Maximilien Zaepffel
Pour finir avec les affaires courantes, il a été présenté les orientations concernant la récolte 2017 et elle s’avère être une reconduction du millésime 2016.
Une fois cette partie, pas très sexy, passée, c’est au tour du plus gros des chapitres de rentrer en scène avec la hiérarchisation… Le président de l’AVA (Jérôme Bauer) rappelle que cela fait déjà quelques années que ce projet a été remis sur les rails, qu’il a nécessité de multiples débats et réunions et qu’il est arrivé « l’heure de trancher une fois pour toute et savoir quelle orientation donner à notre vignoble pour les années futures »
Jérôme Bauer nous indique la tendance au niveau des six sous-régions et après les avoir visitées, cinq étaient favorables au projet et une farouchement opposée.
Cette hiérarchisation présente certains points, comme la diminution des rendements (avec des butoirs de 20%), l’obligation de garder en élevage les vins blancs jusqu’au 1er juin de l’année qui suit la récolte (1er octobre pour les vins rouges), etc…
C’est Pierre Bernhard (président du Syndicat des vignerons indépendants d’Alsace (Synvira), qui « tire » en premier pour parler d’un projet intéressant et de mettre en avant une pyramide qui correspond à l’esprit dans lequel le Synvira souhaite aller, mais de souhaiter que le changement de rendement se fasse par étape et que les 13 communales actuelles soient plus élargies.
Jérôme Bauer finira son propos en précisant que la porte est et reste ouverte sur une transition au sujet des baisses de rendement de 20% sur les vins rouges.
Très rapidement, lorsqu’on laisse la parole aux intervenants, la particularité des vins rouges d’Ottrot est mise en avant pour pointer du doigt une diminution trop importante des rendements.
C’est ensuite Jean-Luc Hanauer, représentant la coopération, de marquer sa différence. En effet, suite à la réunion de la semaine précédente, la décision a été prise (à la majorité) de refuser la baisse de rendement dans le cadre de la hiérarchisation. Il rajoute et rappelle que « en temps que premier metteur en marché sur les Grands Crus, on assume pleinement cette décision ». Jérôme Bauer de prendre acte et de préciser que cette position n’est pas « vendable à la commission d’enquête » et de rajouter :
Jérôme Bauer rappelle un chiffre concernant les Grands Crus :
C’est ensuite à d’autres intervenants de prôner le fait d’avancer tous ensembles et de se concerter au fur et à mesure des problèmes rencontrés… Mais maintenant il faut rentrer dans l’histoire et avancer, c’est en ce sens que Pierre Gassmann (Rorschwihr) prend la parole.
Puis c’est au tour de Jean-Michel Deiss (Bergheim) et Christian Beyer (Eguisheim) de publiquement prôner pour des efforts qui seront payants pour les générations futures et le rayonnement des Vins d’Alsace.
Avant le vote, c’est à Olivier Humbrecht (Turckheim) d’apporter sa pierre à l’édifice « Premiers Crus ».
Pour en finir avec le débat de la hiérarchisation, la dernière parole sera celle d’Hervé Gaschy (Eguisheim) qui rappelle qu’il faut saisir cette proposition pour construire et organiser le vignoble d’Alsace de demain… il faut penser à ceux qui nous succéderont ».
C’est ensuite au tour de l’assemblée de voter « en son âme et conscience » suite à ce débat. Particularité et nouveauté du vote, c’est à l’aide de bulletins de couleurs que les votants devront s’exprimer, rouges (opposés), verts (favorables) et blanc (abstention). Après les explications d’usage et les derniers retardataires qui ont récupéré leurs bulletins, c’est l’adoption du projet de hiérarchisation qui est voté à une large majorité (98 voix pour, 15 contre).
L’AG se termine par les dossiers d’actualité avec la Valorisation des Vins d’Alsace par Jérôme Bauer, le VCI (Volume Complémentaire Individuel) par Jérôme Bauer et la flavescente dorée par Vicky Chan Fook Tin.
Notre avis
Cette hiérarchisation et l’appellation Premier Cru valoriseront enfin les terroirs et le travail des vignerons à leur juste valeur. Mais attention ce vote ne doit pas faire oublier le long et laborieux travail qui s’annonce avant d’y arriver. En effet, il suffit de voir le travail de communication énorme qu’il faut mettre en place pour faire comprendre les Vins d’Alsace au grand public, pour deviner que la communication sur ses Premiers Crus ne sera pas une tâche évidente.
Pour preuve, lors d’un micro trottoir que nous avions effectué il y a quelques jours, un exemple parmi beaucoup, à la question « le dernier Grand Cru que vous avez dégusté c’était quoi ? »… il y a un peu d’hésitation et la personne de répondre « un Gewurtztraminer médaille d’or » et c’est pas une blague…. malheureusement.
Alors oui, le ressenti sur les Vins d’Alsace a certes évolué auprès du grand public par une qualité constante et qui augmente d’année en année, mais malheureusement les Grands Crus parlent encore très peu aux consommateurs. Il est vrai que pour le connaisseur, l’oenophile, l’oenologue ou le sommelier c’est juste une formalité, par contre pour le consommateur lambda l’assimilation et la compréhension des Grands Crus Alsaciens est déjà difficile, alors leur ajouter les Premiers Crus, c’est juste leur mettre la tête un peu plus sous l’eau.
Nous disons clairement oui pour les Premiers Crus, mais tous les acteurs du monde viticole et en particulier l’interprofession devront faire un très gros travail de communication, d’explication… sinon, commercialement ce sera le mur.